vendredi 20 mars 2015

Si Dieu nous a ainsi aimés



1 Jn 4, 11-15


Le texte (traduction : Traduction de la Bible de Jérusalem) :
« 11 Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres.
 12 Dieu, personne ne l'a jamais contemplé. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, en nous son amour est accompli.
 13 À ceci nous connaissons que nous demeurons en lui et lui en nous : il nous a donné de son Esprit.
 14 Et nous, nous avons contemplé et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.
 15 Celui qui confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu »

Prière (suggérée par Enzo Bianchi) :
« Notre Dieu, Père de la Lumière, tu as envoyé dans le monde ton Fils, Parole faite chair, pour te manifester à nous, les hommes.
Envoie maintenant sur moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ dans cette Parole qui vient de toi ; afin que je la connaisse plus profondément et que, en la connaissant, je l’aime plus intensément pour parvenir ainsi à la béatitude du Royaume. Amen »

Lecture verset par verset :
Jean, comme beaucoup d’auteurs, a des thèmes de prédilection, des découvertes, des émerveillements qu’il se plaît à répéter.
Dans le partage johannique du mois de février, je partais de sa déclaration « Voyez de quel grand amour le Père nous a fait don » (1Jn 3, 1).
Un chapitre plus loin, le thème de l’amour de Dieu est de nouveau proposé à notre méditation.
L’amour de Dieu n’est pas chez Jean un thème parmi d’autres. Il est fondamental. De lui, découle toute sa théologie, toute sa pastorale, tout son enthousiasme.

(v. 11) « Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres »
Pour bien comprendre ce verset, il convient de se reporter à ce qui précède. L’adverbe « ainsi » synthétise l’expression de l’amour de Dieu : « … Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui. En ceci consiste l'amour : ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c'est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés » (3, 9-10).
Telle est la prise de conscience primordiale : l’amour de Dieu s’est exprimé par l’envoi de son Fils et cet amour de Dieu précède le nôtre.
Dès lors, notre verset 11 en tire une conséquence. On pourrait s’attendre à lire la déduction qui suit : « Si Dieu nous a ainsi aimés… », nous devons l’aimer nous aussi. Or, Jean introduit ici l’amour des autres qui atteste de notre amour de Dieu.
On peut être surpris que l’amour de Dieu soit l’objet d’un devoir (« nous devons nous aimer… »). Cette question va recevoir une forme de réponse dans les versets suivants.

(v. 12) « Dieu, personne ne l'a jamais contemplé. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, en nous son amour est accompli »
Face à cet amour qui nous précède, Jean déclare que « Dieu, personne ne l'a jamais contemplé ». Cette assertion est aussi attestée dans le Prologue du quatrième évangile : « Nul n'a jamais vu Dieu… » (Jn 1, 18)[1].
Dieu n’a certes été vu de personne[2], dit Jean, mais l’amour mutuel le révèle. Bien plus « en nous son amour est accompli ». Le lien entre Dieu et l’amour est étroit : c’est même un lien d’identité. Le chapitre 4 qui nous occupe l’affirme à deux reprises : « Dieu est Amour » (4, 8.16). Dès lors, l’amour qui unit les disciples de Jésus est le signe de la présence de Dieu.

(v. 13) « À ceci nous connaissons que nous demeurons en lui et lui en nous : il nous a donné de son Esprit »
En ce verset, Jean éclaire le secret de l’amour mutuel. Ce n’est pas d’abord un amour spontané ou d’affinité : c’est la présence de l’amour de Dieu en nous. C’est l’Esprit de Dieu, Esprit d’amour, qui nous entraîne à aimer. Il y a un élan, une impulsion, un dynamisme.
Dieu dépose en nous son Esprit et nous pouvons aimer les autres de cet amour-là, cet amour de Dieu puisé au creux de nos cœurs.
Notons que cet amour n’est pas contraignant. Il est le résultat d’un choix, d’une liberté. Accueil de cet amour qui vient de Dieu, disponibilité pour qu’il s’exprime à travers nous, ouverture à cet amour qui nous précède et nous invite.

(v. 14) « Et nous, nous avons contemplé et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde »
La contemplation dont Jean fait état est celle de la venue de Jésus sur notre terre, celle de l’Incarnation. Cet envoi du Fils est un leitmotiv de toute la littérature johannique[3].
Cette déclaration est le fruit de sa méditation, de sa prière, certes, mais aussi de son expérience. Cette épître fut écrite par Jean dans sa maturité. Le vieux Jean livre le secret de sa vie : sa rencontre avec la Trinité, Père, Fils (v. 14) et Esprit (v. 13). L’évidence de cet Amour…
Quant à l’expression de « sauveur du monde », elle n’est guère fréquente[4], mais elle suggère que le Christ n’est pas Dieu d’un seul peuple. Jean destine la Bonne Nouvelle à tout homme, toute femme. Au monde entier…

(v. 15) « Celui qui confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu »
Jean change ici de registre. Il n’écrit plus en « nous » mais « celui qui ». Il ouvre la perspective : les destinataires ne sont pas les seuls membres de la communauté, mais tout auditeur, tout lecteur qui se laisse toucher par la Bonne Nouvelle. Comme au verset 14, Jean vise l’universalité. Il mène la communauté aux périphéries…
Nous découvrons ici une autre preuve de la présence de Dieu. S’il s’agissait ci-dessus de l’amour de Dieu, Jean évoque ici la confession de la foi.
Tel est d’ailleurs le double commandement de Dieu selon la première épître de Jean[5] : « Or voici son commandement : croire au nom de son Fils Jésus Christ et nous aimer les uns les autres comme il nous en a donné le commandement » (1Jn 3, 23).
Ainsi, cet amour de Dieu au creux de nous est une invitation à une double démarche : aimer et confesser.
Dans ces démarches, nous ne sommes pas seuls. Par son Esprit, déposé au creux de nos cœurs, Dieu demeure avec nous…


Prière :
Seigneur Dieu, ton amour est à l’origine de tout. Et d’abord de notre émerveillement… Nous t’en rendons grâces.
Si nous nous laissons rejoindre par ton Esprit, si nous ouvrons notre cœur à ton amour, notre vie en sera transformée. Alors, les autres seront des frères et sœurs. Et tu seras un Père.
Cet Amour qui est toi sera notre rocher. Rien ne pourra nous ébranler. Amen

Sr Marie-Jean


[1] Au sens strict, le verbe grec n’est pas identique de part et d’autre. « Voir » dans l’évangile ; « contempler » dans l’épître. Nous ne nous attarderons pas à ces subtilités, même si nous pensons que le choix des mots n’est pas anodin.
[2] Dans l’évangile, la suite révèle celui qui, lui, a vu Dieu : « le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l'a fait connaître » (Jn 1, 18).
[3] L’appellation de Jésus comme « envoyé », ainsi que les déclarations sur l’envoi du Fils sont récurrentes dans le quatrième évangile. Parmi d’autres, citons : « Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui ».
[4] Elle est aussi la confession des Samaritains dans l’évangile « Ce n'est plus sur tes dires que nous croyons ; nous l'avons nous-mêmes entendu et nous savons que c'est vraiment lui le sauveur du monde » (4, 42).
[5] Dans l’évangile, l’amour est le seul commandement : « Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12).

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