Liturgie de la Parole 16e lundi TO-I
Matthieu 12,38-42
Homélie
Dans les évangiles, il y a trois mentions du signe de Jonas, une chez Luc et deux chez Matthieu, une première dans l'évangile de ce jour, au chapitre 12, puis au chapitre 16. Et alors, Jésus ne dira plus en quoi consiste ce signe de Jonas. Cela peut se comprendre de diverses façons. Car il y a diverses façons de lire la Bible.
Quand j'ai fait mes études, celle qui était en vogue était la méthode historico-critique : on cherchait à reconstituer l'histoire de la composition du texte et on essayait de le comprendre à partir de là. C'est un peu passé de mode. On préfère aujourd'hui une lecture narrative : on prend le texte tel qu'il nous est parvenu, on accueille le récit tel qu'il nous est raconté, avec ses éventuelles bizarreries, ses questions sans réponse, ses surprises. Si on lit de cette façon ce que Matthieu nous dit du signe de Jonas, on rencontre d'abord notre passage, où Jésus compare le poisson de Jonas au tombeau où il restera jusqu'au troisième jour ; puis, quatre chapitres plus loin, l'épisode où Jésus fait allusion au même signe, mais sans l'expliquer. Ce qui peut signifier soit que Matthieu se dispense de répéter ce que nous sommes censés savoir, soit que Jésus lui-même, si quelqu'un lui demande en quoi consiste ce signe, est prêt à répondre comme il le fera un jour au grand-prêtre : "Va le demander à ceux à qui je l'ai expliqué."
Si on revenait à notre bonne vieille méthode historico-critique, on aborderait la question par l'autre bout, en acceptant que le deuxième épisode a pu être rédigé avant le premier.
Le point de départ est l'évangile de Marc : après la seconde multiplication des pains, les Pharisiens réclament à Jésus un signe venant du ciel. Comme dit Bède le Vénérable, ils demandent un signe, comme si ceux qu'ils avaient vus n'en étaient pas. Jésus refuse de leur accorder ce signe, les plante là et passe sur l'autre rive.
Matthieu, dans ce qui deviendra son chapitre 16, reproduit cet épisode dans le même contexte et ajoute, avec un brin d'ironie, qu'il ne sera pas donné d'autre signe que celui de Jonas. Autrement dit, je vais faire comme Jonas, qui n'a fait aucun signe. Vous voudriez que je fasse tomber du ciel du pain (comme Moïse) ou du feu (comme Élie), eh bien, vous vous contenterez du signe de Jonas, c'est-à-dire de rien du tout. Le signe de Jonas, c'est comme un mouton à six pattes, un pingouin au Sahara.
Là-dessus arrive saint Luc, qui interprète autrement le signe de Jonas. Lui aussi sait bien que Jonas n'a fait aucun signe. Mais cela n'a pas empêché les habitants de Ninive de se convertir en écoutant sa prédication. Le message est clair : les habitants de Ninive se sont laissé convaincre sans réclamer de signe. Faites-en autant.
C'est alors que Matthieu recueille tout cela pour rédiger l'évangile de ce jour. C'est vrai que Jonas n'a fait aucun signe, mais il a été lui-même un signe, quand il est sorti vivant de son poisson.
Si on reconstitue ainsi l'histoire du signe de Jonas, l'évangile de ce jour est un sommet. Ce n'est plus un simple refus, mais une promesse. Il est trop tôt pour vous donner un signe. Mais quand je serai ressuscité, semble dire Jésus, je vous montrerai dans toutes les Écritures ce qui me concernait.
Frère François, moine de Wavreumont lundi 21 juillet 25
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