jeudi 24 juillet 2025

Liturgie de la parole 16e jeudi TO-I

Évangile : Matthieu 13,10-17

Homélie 

      Ce n'est pas la page la plus limpide de l'évangile. J'ai parfois vu avec un peu d'inquiétude s'approcher le jour où j'allais devoir la commenter. Oui, sans doute, c'est une béatitude. Heureux êtes-vous, parce que vous êtes du bon côté. Soit. Mais ça ne me comble pas tout à fait. Car, comme disait il y a un demi-siècle le spectacle Glory Hallelujah, la Bible sonore, il y a aussi "tous ces milliers d'autres que Dieu n'a pas pu consoler". Ils se bouchent les yeux et les oreilles pour ne pas voir et ne pas entendre. Sinon je les guérirais, disait l'ancienne traduction liturgique. Nous sommes habitués à des traductions qui disent : ils ont peur que je les guérisse ; ou bien : s'ils m'avaient laissé faire, je les aurais guéris.
      
      Et puis, un jour, surprise, notre traduction dit bien : et moi, je les guérirai. Au futur. Je me suis précipité à la bibliothèque pour vérifier le texte grec. C'est bien cela : καί ἰάσομαι αὐτούς  (kè iasomè avtous), et je les guérirai. Pas contre leur gré, sans doute, pas malgré eux, mais la promesse est bien là, ouverte, disponible : je les guérirai.
      
      Cela m'a fait songer à la fin du psaume 80. Chez moi, on le prie encore dans la version du Psautier de Jérusalem : "Mon peuple n'a pas écouté ma voix… je les laissai à leur cœur endurci… Ah ! si mon peuple m'écoutait, si dans mes voies marchait Israël, les ennemis du Seigneur l'aduleraient et leur temps serait à jamais révolu…" Mais la condition n'est pas remplie, le peuple n'écoute pas. Et Dieu peut seulement constater que son rêve est brisé : "Je l'aurais nourri de la farine du froment et rassasié avec le miel du rocher." J'aurais pu le faire, irréel du passé.
      
      Votre traduction est un peu plus optimiste, elle reste jusqu'au bout au conditionnel : "Si mon peuple m'écoutait… je le nourrirais de la fleur du froment." Il reste un espoir, la porte n'est pas fermée. 
      
      Puis, coup de théâtre, les derniers mots du psaume : "Je te rassasierais avec le miel du rocher." On s'attendait plutôt à : je le rassasierais. Il y a cinq versets et demi que Dieu parle d'Israël à la troisième personne. "Mon peuple n'a pas écouté ma voix, Israël n'a pas voulu de moi…" Et puis, juste avant la fin, cette surprise : "Je te rassasierais." Ici encore, ce n'est pas une faute de frappe. Israël n'a pas écouté, mais il a tout de même entendu qu'on parlait de lui, il a dressé l'oreille. Juste assez pour que Dieu puisse s'adresser à nouveau à lui : "Je te rassasierais avec le miel du rocher." Ce n'est pas encore un futur, comme dans notre évangile, mais la porte est entrouverte…

Frère François, moine de Wavreumont 24 juillet 25


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