jeudi 14 juillet 2022

Liturgie de la Parole, 15e jeudi TO

(sœur Marie-Raphaël)

Ouverture

« Venez à moi ! venez manger de mon pain et boire le vin que j’ai préparés pour vous ! » Ainsi parle la Sagesse dans plusieurs livres sapientiaux. « Venez à moi », dit Jésus. En parlant ainsi, il s’identifie à la Sagesse. Dans l’évangile de Matthieu, Jésus se présente comme un maître de sagesse qui nous invite à son école. Saint Benoît aussi nous relance en écho des paroles de sagesse : « venez, mes fils, écoutez-moi, que je vous enseigne la crainte du Seigneur ». Il nous invite à avoir un cœur de disciple pour « entrer dans l’école du service du Seigneur ». Comme Jésus, il nous propose un joug : pas un joug dur et pesant, mais un joug tout de même. Une ligne de vie, une sagesse dont le maître-mot est « douceur ». L’évangile de ce jour est très bref, mais il contient, comme un noyau, une puissance nucléaire…

Résonances

Approchez-vous de moi, vous qui n’avez pas d’instruction, prenez place dans mon école. Pourquoi dire que vous manquez de sagesse ? Pourquoi vos âmes ont-elles si grande soif ? […] Placez votre cou sous le joug et recevez l’instruction. On la trouve tout près de soi. Constatez-le de vos yeux : en prenant peu de peine, j’ai trouvé beaucoup de repos. Si 51, 23-27

L’image du joug, dans l’AT, c’est une image de la Loi, mais plus encore de la sagesse. C’est-à-dire la Loi qui est sagesse. La Loi qui n’est pas un carcan rigide du permis / défendu, mais un chemin où s’exerce, pas à pas, le discernement de la sagesse pour correspondre à l’esprit de Dieu : ce que la Bible appelle la justice, la droiture.

Is 26,7 : Il est droit, le chemin du juste. Toi qui es droit, tu aplanis le sentier du juste.

Mais tout de même, je le trouve un peu provocant, ce Jésus, quand il nous dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos ». Alors que nous savons pertinemment que la suite du Christ n’a rien de reposant. Comme il le dit lui-même : le Fils de l’homme n’a pas où reposer la tête… Comment comprendre ce paradoxe ? De quel repos parle-t-il ? Et de quel joug ?

Je vois trois pistes. La première piste, c’est de ne pas oublier que nous sommes dans l’évangile de Mt, cet évangile qui est le plus dur à l’égard des Pharisiens, ces « hypocrites ». Plus loin, au chapitre 23, Mt fera dire à Jésus une longue invective contre les Pharisiens qui « attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et qui en chargent les épaules des gens » (Mt 23,4). C’est donc bien par rapport à eux, par rapport à leur façon de présenter les exigences de la Loi, que Jésus se pose en maître dont le fardeau est léger et facile à porter. Mais Jésus n’est pas un hypocrite en disant cela, il ne cache pas que son chemin à lui passe par une porte étroite, par le chas d’une aiguille…

Deuxième piste : le sens du mot traduit ici par facile à porter (chrèstos). La variété des traductions va dans beaucoup de sens différents : le latin a traduit « suave », en français on trouve : mon joug est doux, commode, aisé, utile…

Ce mot est construit sur une racine grecque très courante, qui parcourt plusieurs pages du dictionnaire. Il y a avant tout l’idée de quelque chose dont on se sert, quelque chose d’utile, de nécessaire, qui est de bonne qualité, pratique, dont on peut se servir, dont on a besoin. Le joug de Jésus, le chemin qu’il propose, est un « bon joug », c’est-à-dire un joug de bonne qualité (comme on dit : « du bon vin, un bon choix, celui qui convient »). Et souvent je me dis cela : même si le fardeau du quotidien est parfois lourd et fatigant, il est léger à partir du moment où il a du sens, à partir du moment où on voit la valeur de ce qu’on fait. Travailler pour rien, c’est décourageant. Les multiples pinailleries de l’observance pharisaïque sont pénibles, parce qu’on n’en voit pas le sens. Mais les 36000 petits gestes d’amour qu’une maman pose au quotidien pour le bien de son enfant, cela a du sens, et du coup, cela paraît léger. Léger, parce qu’en permanence guidé par l’amour. Le joug de Jésus est « bon » parce qu’il est « utile », parce que, en lui, nous ne sommes pas des casseurs de pierres, mais des bâtisseurs de cathédrales.

La troisième piste m’est suggérée par la première lecture. « Seigneur, tu nous assures la paix. En toutes nos œuvres, toi-même, agis pour nous » (Is 26,12). Le joug (qui a donné le mot conjugal), c’est un instrument qui permet de porter le fardeau à deux, de porter ensemble. Sans rien changer au poids objectif du fardeau, le joug rend le fardeau plus léger, plus facile à porter. Il permet de porter ensemble. Jésus met son bras sur notre épaule pour porter avec nous. Et soudain, tout semble possible. Le prophète a conscience que c’est Dieu qui mène à bonne fin tout ce que nous entreprenons. « Dans toutes nos œuvres, toi-même, agis pour nous ». N’est-ce pas ce que saint Benoît suggère au début du prologue : « demandons-lui, par une très instante prière, de mener à bon port toute œuvre bonne que nous entreprenons. »

Prière

Dieu notre Père, en Jésus tu nous donnes un maître doux et humble de cœur. Crée en nous un cœur de disciples, heureux de porter le joug de la sagesse. Dans ce monde agité par tant de combats inutiles, apprends-nous à discerner la bonté de ta Loi et aide-nous à l’accomplir.

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