Sœur Marie-Raphaël
Nous avons lu hier le récit de la mort de Moïse.
Aujourd’hui, avec Josué, son successeur, nous franchissons le Jourdain, nous
entrons dans cette terre promise, tant de fois décrite par Dieu à Abraham et les
siens… Ce ne sera peut-être pas si simple que cela ! Jésus aussi nous
parle d’une terre promise…
Résonances
Du livre de Josué, la liturgie ne propose que trois
extraits : le passage du Jourdain, qui marque l’entrée en terre promise
(chapitre 3), puis l’assemblée de Sichem avec le renouvellement de l’alliance,
à la fin du livre, juste avant la mort de Josué (chapitre 24, fin du livre).
Entre les deux : le récit d’une conquête :
beaucoup d’invraisemblances historiques, beaucoup de violences qui, prises à la
lettre, justifient les pires attitudes nationalistes, jusqu’à des génocides.
Livre insupportable. Rejet de ce Dieu-là.
Il ne s’agit pas d’un récit historique ! Ce qui
est en jeu, c’est l’avenir de l’Alliance. Aujourd’hui, nous voyons l’importance
de l’arche d’alliance dans le passage du Jourdain.
Beaucoup de choses s’éclairent quand on part de
l’hypothèse que ce livre est une relecture de l’histoire faite par un groupe de
scribes exilés (2ème moitié 6ème siècle), à un moment où
la terre a de nouveau été perdue ! On cherche à expliquer, a posteriori,
pourquoi après l’avoir gagnée, on l’a de nouveau perdue ! Théologie
deutéronomiste.
Le livre de Josué insiste sur quelque chose de
paradoxal : la terre promise est donnée, et en même temps il faut
la conquérir. Cf Titre d’un livre : « le don d’une
conquête ». Et la conquête – présentée comme un combat – consiste à
laisser toute la place à Dieu, à se laisser guider par Dieu, à demeurer fidèle
à sa Loi. Josué, au début du livre, est présenté comme celui qui médite jour et
nuit la Loi du Seigneur.
Jésus ne parle pas de la terre promise, mais du
Royaume des Cieux. Il y a ce même paradoxe : le Royaume des Cieux est à la
fois donné et à recevoir. Chez Matthieu, Jésus fait cinq discours et chacun de
ces discours parle, à sa manière, du Royaume des Cieux. Nous sommes dans le 4ème
discours : discours sur l’église,
sur les relations communautaires dans le Royaume. Deux grands thèmes :
l’attention aux plus petits et le pardon. Le pardon donné et le pardon
reçu : c’est une des clés du Royaume. La parabole étrange qui nous est
racontée aujourd’hui nous donne matière à méditer. Il semble que, dans la
complexité des relations humaines, le pardon soit la chose la plus compliquée,
tant à donner qu’à recevoir. Parce que la fameuse dette est parfois bien plus
qu’une dette, une blessure profonde et définitive. Je pense que cette parabole
est inachevée. Jésus nous invite, chacun pour notre part, à en écrire la suite.
Prière
Seigneur Jésus, tu nous invites à franchir le Jourdain
pour entrer résolument dans la logique du Royaume des Cieux. L’arche de
l’alliance qui ouvre les eaux du fleuve, c’est ta présence au milieu de nous.
Conduis-nous sur le chemin de la vérité et du pardon. Apprends-nous à
reconnaître que la vie que Dieu nous donne n’est pas une dette, mais une
mission.
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