Liturgie de la Parole 31 mai, Visitation de la Vierge Marie
Méditation
Dans son Magnificat, Marie ne dit presque rien d’elle-même : elle parle d’un Dieu fidèle à sa promesse, fidèle à son amour. Un Dieu qui relève les humbles et comble de biens les affamés. Et elle se reconnaît dans ce « peuple des humbles », ce « peuple pauvre et petit » dont parle le prophète Sophonie. Le « reste d’Israël » qui « prendra pour abri le nom du Seigneur ». La dernière page du prophète Sophonie ruisselle de joie, car elle proclame que la présence du Seigneur n’est pas dans un avenir lointain, mais qu’elle est toute proche, on ne peut plus proche : elle est « en toi ».
Je m’arrête un instant à cette préposition « en ». Elle vient d’une racine en hébreu (qèrèv) qui veut dire l’intérieur, la proximité (par opposition à « loin »), l’intérieur d’un groupe social, d’un lieu, l’intérieur du corps, le centre de la vie intellectuelle et psychique….
À l’intérieur de toi, au cœur de toi. Le prophète s’adresse à la ville de Jérusalem : « au cœur de la ville ». La liturgie l’applique à Marie : « au cœur de ton corps de femme ». Saint Augustin dit à Dieu qu’il est « intimo meo intimior », plus intime à moi-même que moi-même.
Le récit de la rencontre des ces deux femmes enceintes dont les deux enfants se reconnaissent me fait penser aussi à ce que le père Jean-Pierre Longeat nous disait cette semaine : ces femmes se parlent « par les entrailles ». Elles n’ont pas besoin de beaucoup parler. Elles se comprennent par l’intérieur. Et que se disent-elles ? Que nous disent-elles ? « Heureuse es-tu, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi ». Il est au cœur de toi, il est en toi.
Écoute ton cœur : il est plein de lumière !
C’est la raison de la vraie joie. Mais le texte dit plus encore : il déclare que cette joie n’est pas seulement la nôtre : c’est la joie de Dieu lui-même et c’est même d’abord cela ! Parce que la joie de Dieu, c’est de nous sauver. La joie de Dieu, c’est notre joie. En fait, c’est complètement fou de penser cela : que Dieu voudrait nous faire participer à sa joie. Marie et Élisabeth l’ont compris : elles ont eu l’audace d’y consentir.
Lire l’évangile de la Visitation au temps pascal, et qui plus est en cette neuvaine d’attente de la Pentecôte, c’est aussi demander à l’Esprit de nous rendre disponibles à cette joie. L’Esprit a pris Marie sous son ombre. L’Esprit a fait d’Élisabeth une prophétesse. Marie est au cénacle, avec les disciples. Avec eux, elle attend : ce qui va naître, c’est l’Église.
Bien sûr, les nouvelles du monde ne sont pas toutes réjouissantes et nous nous demandons dans quelle mesure nous avons le droit d’être dans la joie, alors que tant de personnes sont dans la souffrance. Marie et Élisabeth sont des figures de l’espérance. Leur joie ne les rend pas étrangères au monde. Leur joie va aider Dieu à venir sauver le monde. J’entends encore le pape François qui répète : « ne nous laissons pas voler notre espérance, ne nous laissons pas voler notre joie ». Nous sommes invitées à rechercher une qualité de joie qui n’est pas indifférence au malheur des autres, mais qui est participation au salut, ouverture au salut que Dieu veut nous donner. Cela demande de la confiance. Dieu attend notre oui, comme il a attendu celui de Marie.
Sœur Marie-Raphaël