vendredi 21 mars 2014

Pierre leur offrit l'hospitalité


Ac 10, 11-23

Le texte (traduction : Bible de Jérusalem) :
« 11 Il (Pierre) voit le ciel ouvert et un objet, semblable à une grande nappe nouée aux quatre coins, en descendre vers la terre.
 12 Et dedans il y avait tous les quadrupèdes et les reptiles, et tous les oiseaux du ciel.
 13 Une voix lui dit alors : ‘Allons, Pierre, immole et mange’.
 14 Mais Pierre répondit : ‘Oh non ! Seigneur, car je n'ai jamais rien mangé de souillé ni d'impur !’
 15 De nouveau, une seconde fois, la voix lui parle : ‘Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis pas souillé’.
 16 Cela se répéta par trois fois, et aussitôt l'objet fut remporté au ciel.
 17 Tout perplexe, Pierre était à se demander en lui-même ce que pouvait bien signifier la vision qu'il venait d'avoir, quand justement les hommes envoyés par Corneille, s'étant enquis de la maison de Simon, se présentèrent au portail.
 18 Ils appelèrent et s'informèrent si c'était bien là que logeait Simon surnommé Pierre.
 19 Comme Pierre était toujours à réfléchir sur sa vision, l'Esprit lui dit : ‘Voilà des hommes qui te cherchent.
 20 Va donc, descends et pars avec eux sans hésiter, car c'est moi qui les ai envoyés’.
 21 Pierre descendit auprès de ces hommes et leur dit : ‘Me voici. Je suis celui que vous cherchez. Quel est le motif qui vous amène ?’
 22 Ils répondirent : ‘Le centurion Corneille, homme juste et craignant Dieu, à qui toute la nation juive rend bon témoignage, a reçu d'un ange saint l'avis de te faire venir chez lui et d'entendre les paroles que tu as à dire’.
 23 Pierre les fit alors entrer et leur donna l'hospitalité. Le lendemain, il se mit en route et partit avec eux ; quelques-uns des frères de Joppé l'accompagnèrent »

Prière (suggérée par Enzo Bianchi) :
« Notre Dieu, Père de la Lumière, tu as envoyé dans le monde ton Fils, Parole faite chair, pour te manifester à nous, les hommes.
Envoie maintenant sur moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ dans cette Parole qui vient de toi ; afin que je la connaisse plus profondément et que, en la connaissant, je l’aime plus intensément pour parvenir ainsi à la béatitude du Royaume. Amen »

Lecture verset par verset :
Disons quelques mots du contexte de cet extrait.
Les derniers chapitres du livre des Actes nous ont rapporté des changements significatifs : conversion de Saul (chapitre 9) qui essaie de se faire intégrer parmi les apôtres, lui l’ancien persécuteur de la Voie ; signes et prodiges réalisés par Pierre, au nom de son Seigneur (guérison d’Enée et résurrection de Tabitha) ; vision accordée au centurion Corneille.
Ce dernier épisode précède immédiatement notre extrait. Il est particulièrement important car il va nous mener à un bouleversement capital, voire copernicien : la Bonne Nouvelle, réservée aux Juifs, sera également adressée aux païens…

(v. 11-13) « Pierre voit le ciel ouvert et un objet, semblable à une grande nappe nouée aux quatre coins, en descendre vers la terre. Et dedans il y avait tous les quadrupèdes et les reptiles, et tous les oiseaux du ciel. Une voix lui dit alors : ‘Allons, Pierre, immole et mange’ »
Il est midi. Pierre a faim et se fait préparer un repas. Pendant sa prière (sans doute a-t-il gardé « les habitudes horaires d’une triple prière quotidienne »), une « extase » (c’est le mot grec : être « hors de soi ») survient.
Ce n’est pas la première vision des Actes : une manifestation récurrente de Dieu en ces premiers temps de l’Eglise.
Ces multiples visions mettent le doigt sur la résistance des acteurs… et aident à les dépasser.
L’expression « le ciel ouvert » rappelle les révélations importantes des Evangiles, lors du Baptême[1] et de la Transfiguration de Jésus[2].
Le ciel ouvert suggère une communication, une relation entre ciel et terre.
Sur la nappe/toile, un ensemble d’animaux. Rappelons le livre du Lévitique, où l’auteur recense les animaux purs et impurs, ceux qui peuvent être consommés ou ne le peuvent pas. La religion juive était très rigoureuse sur ce point. La Parole de Dieu va faire éclater ces schémas trop étroits…
« Allons, Pierre, immole/tue et mange »
Le verbe « tuer/immoler » est celui du sacrifice. Selon la tradition du Premier Testament, les viandes ne pouvaient pas être consommées sans préalable : une série de rites en permettait l’absorption[3].

(v. 14-15) « Mais Pierre répondit : ‘Oh non ! Seigneur, car je n'ai jamais rien mangé de souillé ni d'impur !’ De nouveau, une seconde fois, la voix lui parle : ‘Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis pas souillé’ »
Pierre s’en tient à ses principes religieux, mais la voix lui fait franchir des obstacles : Dieu a purifié le soi-disant souillé.
Et la voix ne s’en tient pas à une seule déclaration, mais elle insiste : « Cela se répéta par trois fois » (v. 16). Dieu insiste jusqu’à ce qu’il soit entendu…

(v. 17) « Tout perplexe, Pierre était à se demander en lui-même ce que pouvait bien signifier la vision qu'il venait d'avoir… »
La « vision » est donc, dans le livre des Actes, une des voies que Dieu a empruntées pour manifester sa volonté. Mais la discerner n’est pas toujours chose aisée. Et Pierre reste perplexe…
Les envoyés d’un centurion romain, peuple considéré comme impur, à l’instar de ces animaux, se présentent au portail… Pierre pourra-t-il percer le secret de sa vision ?

(v. 19-20) « Comme Pierre était toujours à réfléchir sur sa vision, l'Esprit lui dit : ‘Voilà des hommes qui te cherchent[4]. Va donc, descends et pars avec eux sans hésiter, car c'est moi qui les ai envoyés’ »
Tout en étant un auxiliaire de Dieu, son alter ego, une représentation de sa présence, « l’Esprit » n’élucide pas la vision mais conduit Pierre à la rencontre des envoyés de Corneille. Dieu se sert de médiateurs : des hommes sont vecteurs de son message…
Le verbe « sans hésiter » pourrait se traduire littéralement par « sans faire de discrimination » : un juif ne pouvait entrer dans la maison d’un païen.
Il est surprenant de découvrir que le terme d’« envoyé », réservé à Jésus et à ses disciples dans l’Evangile, désigne ici des païens. Décidément, Dieu bouleverse tous les schèmes établis…

(v. 21) « Pierre descendit auprès de ces hommes et leur dit : ‘Me voici. Je suis celui que vous cherchez. Quel est le motif qui vous amène ?’ »
Pierre est prompt à l’obéissance et sa réponse rappelle celle de Jésus, son Seigneur : « c’est moi… »[5].
 
(v. 22-23) « Ils répondirent : ‘Le centurion Corneille, homme juste et craignant Dieu, à qui toute la nation juive rend bon témoignage, a reçu d'un ange saint l'avis de te faire venir chez lui et d'entendre les paroles que tu as à dire’. Pierre les fit alors entrer et leur donna l'hospitalité »
Avec le centurion, Dieu a utilisé une autre façon de transmettre son message : il a dépêché un ange pour faire venir Pierre et entendre ses paroles.
Et Pierre ne se dérobe pas à l’invitation…
Pierre, hôte chez Simon le corroyeur (Ac 9, 43), offre à son tour l’hospitalité… Le message de Dieu est porteur d’accueil et de confiance.


Prière :
Bien qu’il était apôtre, Pierre a mis du temps pour comprendre le message de son Seigneur. Et c’est par différentes voix que Dieu lui a parlé.
Aujourd’hui aussi, Seigneur, tu veux nous transmettre ta Parole, nous laisser entrevoir ta Volonté.
Franchirons-nous les obstacles de nos certitudes, de nos convictions… pour accueillir l’autre, écouter sa parole et y découvrir ce Tout-Autre que tu es ?
Pour que nous t’accueillions tout au long du jour, Seigneur, pour que notre réponse te soit « me voici », envoie ton Esprit !
Amen
 Sr Marie-Jean





[1] Cfr Lc 3, 21-22 : « Or il advint, une fois que tout le peuple eut été baptisé et au moment où Jésus, baptisé lui aussi, se trouvait en prière, que le ciel s'ouvrit, et l'Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et une voix partit du ciel : ‘Tu es mon fils ; moi, aujourd'hui, je t'ai engendré’ ».
[2] Cfr Lc 9, 28-36 : « … Et une voix partit de la nuée, qui disait : ‘Celui-ci est mon Fils, l'Élu, écoutez-le’ ».
[3] L’Assemblée de Jérusalem, premier « concile » de la jeune Eglise, se prononcera sur les aliments purs et impurs (cfr Ac 15).
[4] Remarquons la fluctuation de la tradition manuscrite au verset 19 : deux hommes ? trois hommes ?… Cela rappelle ceux qui apparurent à Abraham à Mambré (Gn 18). Première attestation d’un Dieu trinitaire…
[5] Lors de son arrestation : « De nouveau il leur demanda : ‘Qui cherchez-vous ?’ Ils dirent : ‘Jésus le Nazôréen’. Jésus répondit : ‘Je vous ai dit que c'est moi. Si donc c'est moi que vous cherchez, laissez ceux-là s'en aller’ » (Jn 18, 7-8).

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